Récurrence #10 : quitterez-vous la folie du Black Friday en 2024?
Des consommateurs moins fidèles, des profits réduits et des employés en panique; où est le problème?
Bon retour de vacances!
Au dernier numéro, je vous ai épargné le sujet du BFCM (Black Friday Cyber Monday) en raison de votre probable écoeurement du sujet au moment où les détaillants et marques en sortaient à peine. La période de grâce est terminée, mais c’est pour votre bien! 🙂
D’abord, quelques faits:
Malgré la fatigue des consommateurs face aux rabais incessants et au discours ambiant sur la récession, le volume des ventes du Black Friday 2022 a encore une fois fracassé les records des années précédentes aux États-Unis et au Canada, en magasin comme en ligne. Autant le volume des ventes (+2,3%) que le nombre de clients (+17% en magasin, +2% en ligne) ont augmenté.
Si personne n’est surpris que les magasins physiques aient reçu davantage de visiteurs que l’an précédent alors que certains subissaient encore les contrecoups de la pandémie, l’augmentation YoY des ventes en ligne, même modeste, montre que les ventes en ligne reprennent du poil de la bête après une année 2021 difficile.
En excluant les années 2020-2021 (anomalie où le commerce en ligne a d’abord explosé pour se rétracter tout aussi anormalement l’année suivante), l’augmentation des ventes en ligne lors du BFCM 2019-2022 est de 22,7% aux USA selon Adobe Analytics.
Fantastique, non? Sauf que…
Toutes les stats concernant le BFCM parlent de volume, jamais de rentabilité.
La période du Black Friday/Cyber Monday dure de plus en plus longtemps. Pris dans une course aux clients, les détaillants offrent des rabais de plus en plus tôt tout en les étirant de plus en plus tard, diluant l’intérêt des consommateurs et réduisant les marges de profits pendant plus longtemps. Le Black Friday, bientôt du 16 juillet au 15 juin de l’année suivante?
L’événement est devenu tellement prévisible que plusieurs consommateurs reportent leurs achats au cours des semaines qui le précèdent, créant un “trou” pré-BFCM dans les stats de vente, dont le coût s’ajoute aux rabais consentis. Plusieurs achètent aussi à rabais ce qu’ils auraient de toute manière acheté au prix régulier à l’approche des Fêtes.
Les clients acquis lors du BFCM sont en général moins fidèles et achètent moins que les autres. (Surprise, le client qui n’achète qu’une fois par année chez vous à 60% de rabais ne vous aime pas tant que ça, après tout!).
Le taux de retour chez les clients qui achètent principalement lors du BFCM est plus élevé que la moyenne.
Les coûts de la publicité explosent avant et pendant la période du BFCM.
Pour résumer : on offre des rabais massifs qui n’excitent même plus les consommateurs pour plaire à un segment de clientèle dont les membres achètent moins et retournent davantage de marchandises que les autres et pour ça, on paie plus cher de pub. En prime, on use les nerfs de son équipe de marketing et eCommerce à qui on fixe des cibles de plus en plus irréalistes avec comme seul indicateur le volume des ventes, sans égard aux profits qui paient leurs salaires.
<ironie>Ça me semble une formule gagnante.</ironie>
Si votre inventaire est démesurément gonflé, je comprends qu’il faut utiliser tous les prétextes pour le transformer en argent liquide. Mais dans tous les autres cas, permettez-moi quelques suggestions pour préparer le BFCM 2024 plus sereinement.
Pour un Black Friday plus zen en 2024
Le BFCM est UN des événements qui devrait faire partie d’une stratégie plus globale. Si vous l’abordez comme une fin en soi, vous tombez dans le piège de vouloir plaire à des clients qui exigeront toujours plus de rabais sans apporter de valeur récurrente à l’entreprise en échange.
Je propose plutôt de l’envisager comme un point de contact visant à fidéliser davantage vos clients loyaux et de donner envie aux autres de le devenir, tout en préservant des marges raisonnables… et votre réputation.
Offrez des rabais sur certains produits plus convoités exclusivement à un segment de clients fidèles. (Parce que clients sont segmentés, bien sûr!)
Réservez les rabais du BFCM aux abonnés à vos médias propriétaires (liste d’envoi par courriel, par exemple) ou, au minimum, donnez-leur accès aux rabais en avance, ou alors des rabais plus avantageux.
Profitez des périodes de l’année où la publicité coûte moins cher pour faire grandir votre liste de permission marketing propriétaire au lieu de dépenser des montants démesurés juste avant le BFCM pour tenter d’obtenir une toute petite part du gâteau à fort prix quand tous les géants dépensent en même temps que vous. Ensuite, travaillez avec cette liste en envoi direct pendant que vos compétiteurs flambent leurs liquidités pour recruter de nouveaux clients en quête de rabais.
Toujours dans une optique de récurrence, mettez sur pied un programme de fidélité et permettez à ses membres de doubler la valeur de leurs points lors des achats pendant cette période.
Envisagez d’offrir des cadeaux au lieu de rabais : la valeur perçue d’un cadeau est supérieure à son coût, et séduit davantage les consommateurs qu’un simple rabais sans affecter votre marque.
Évaluez le BFCM à l’aide d’indicateurs complémentaires au volume des ventes : évaluez le CLV des clients qui achètent lors de ces journées ou encore le profit net par client actif, la récurrence 6 ou 12 mois de vos clients, les taux de retour, le nombre de désabonnements à votre bulletin courriel après le BFCM et bien sûr, la rentabilité de vos ventes.
Chaque entreprise est unique, mais vous comprenez l’idée : il faut faire en sorte que les rabais offerts valorisent la relation entre votre entreprise et ses clients au lieu de nuire à votre marque et vos profits, garants de votre pérennité.
Votre écoeurement du BFCM est encore plus radical?
Visez à faire comme Patagonia, Everlane, Ikea, Allbirds, Beardbrand ou Fjällraven et n’offrez pas de rabais lors du Black Friday parce que vos clients savent que chez vous, ils obtiennent une valeur juste lors de tous leurs achats! Évidemment, cela demande une marque très forte, mais à long terme, c’est un investissement qui coûte moins cher que d’éternels rabais offerts à des clients peu fidèles.
Lu depuis le dernier numéro
ChatGPT sonnera-t-il le glas de la domination de Google?, La Presse. Où un des fondateurs de Copernic prédit que l’intelligence artificielle de ChatGPT pourrait permettre à Bing, le moteur de recherche de Microsoft, de supplanter Google en offrant des réponses au lieu d’un fatras de liens de plus en plus commerciaux. Mérite réflexion.
Why Marketers Should Follow Their Audiences, Not Predict the Future, par Rand Fishkin. Il est où, le trafic fantastique censé arriver des assistants vocaux? Probablement au même endroit que les voitures volantes promises pour l’an 2000.
Walmart Now Operates Drone Delivery in 7 States, Completes 6,000 Drone Deliveries. Parlant de voitures volantes, WalMart vise le million de livraison annuelles par drone en moins de 30 minutes. Quel est l’article le plus populaire après les 6000 premières livraisons? De la “crèmaglace”. Pendant ce temps, on attend en moyenne 19,2 heures à l’urgence dans les hôpitaux. Y’a comme un enjeu d’allocation de cerveaux qui m’agace, ici.
Are experiences stealing discretionary dollars away from retail?, sur RetailWire. Panique en la demeure, les ventes en ligne baissent! Normal, les clients étaient un brin tannés d’être enfermés chez eux et d’acheter tout ce qui leur passait sous les yeux pour tromper l’ennui.
The scourge of job-title inflation, The Economist. Quand tout le monde qui a plus de 2 semaines d’expérience est “Chief Officer” de sa propre paire de bas, il ne faut pas se plaindre que les employés demandent des salaires plus élevés.