Récurrence #7 : est-ce que le retour des consommateurs en magasin fait baisser les ventes en ligne?
Après la hausse spectaculaire des ventes en ligne pendant la pandémie, on nous dit que le vent tourne. Vraiment?
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Me revoici après une pause de début d’été. Vous m’avez manqué! :)
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Selon certains médias, il semble que les ventes en ligne baissent après la folle croissance des dernières années. C’est du moins ce que laissent entendre les titres et certains passages plus ou moins exacts d’articles dont les conclusions sont abondamment reprises ailleurs :
CNBC : E-commerce stocks plummet as consumers pull back online spending.
Forbes : Americans Spent $5.28 Billion Less Online In April, As Ecommerce Growth Slows
Wall Street Journal : The Pandemic Was Supposed to Push All Shopping Online. It Didn’t.
Le problème, c’est que les statistiques provenant de sources crédibles nous démontrent le contraire, et que les experts du domaine sont d’accord avec elles. Ce serait donc une grande erreur que de lever le pied dans les efforts d’intégration du commerce en ligne avec vos autres canaux de vente!
Est-ce que les ventes en ligne sont en baisse?
En un mot, non. Ce n’est même pas près d’être le cas.
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la source la plus crédible et la plus objective sur le sujet, le US Census Bureau, dans son rapport trimestriel sur les ventes en ligne dans le domaine du commerce de détail.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Que les ventes en ligne ajustées du premier trimestre 2022 aux États-Unis, baromètres du marché, sont en croissance de 2,4% comparées à celles de l’année précédente;
Que les ventes en ligne représentent 14,3% de TOUTES les ventes au détail aux États-Unis lors de ce trimestre (incluant les ventes de restaurants, d’automobiles et d’essence). Dans le commerce de détail “pur” (pas de voiture, d’essence, ni de restaurants), on parle en fait de 20-22% d’ici la fin de l’année, et on prévoit 31% d’ici quelques années.
Et quand on ajoute une aussi-jolie-qu’approximative courbe de tendance au graphique du US Census Bureau (en orange, avec mon commentaire hautement scientifique), on constate que les années 2020-2021 étaient des anomalies qui ne changent rien, au bout du compte, à la tendance déjà claire : les parts de marché du commerce en ligne continuent de croître, et la pandémie a permis de '“sauter un palier” avant de revenir à un rythme de croissance normal.
Affirmer que les ventes en ligne ralentissent, c’est comme affirmer que la vie est un peu plate le lendemain d’une ride en montagnes russes pendant laquelle on mangerait des ailes de poulet ultra-épicées avec les cheerleaders des Cowboys de Dallas/des pompiers de calendrier en chest/un troupeau de chiots ultra-mignons (au choix, y’en a pour tout le monde.) : c’est ignorer qu’avant cette virée, c’était déjà pas si mal et que ça regardait même plutôt bien, et que ça continue.
Pour être exact, on devrait donc dire que “l’accélération des ventes en ligne ralentit”, mais ça ne ferait pas un titre d’article très gagnant. Surtout, ça fait beaucoup de bullshit détours pour dire que la croissance continue au même rythme qu’avant une importante anomalie. Circulez, y’a rien à lire.
Comment tirer avantage du retour à la normale?
Même si la croissance continue, on devrait profiter de ce moment de calme relatif pour prioriser certaines actions :
On se calme et on réajuste ses objectifs irréalistes : est-ce que vos ventes en ligne ont suivi la même courbe que la tendance? Si vous êtes déçus des ventes de cette année en comparaison des deux dernières, essayez de prendre du recul et de comparer avec les années précédentes; si vos ventes en ligne sont toujours en croissance selon la courbe des années précédentes, respirez un bon coup, considérez que vous avez gagné à la loterie l’an passé et que votre bon travail doit simplement se poursuivre dans la même direction. Exiger de vos équipes qu’elles obtiennent par leurs propres moyens une croissance au même rythme que celle provoquée par la pandémie est irréaliste et démoralisant. Soyez ambitieux, mais honnête : comme le dit l’expression, c’est quand la marée baisse qu’on voit qui nage à poil. Ou quelque chose du genre.
On vise la rentabilité plutôt que la seule croissance : optimisez vos coûts de logistique, qui sont aussi en forte croissance. Peut-être est-il temps de revoir vos emballages, voire le format de vos produits vendus en ligne, ou de réserver la vente en ligne aux produits dont la marge de profitabilité permet de payer le transport? Après tout, une vente devrait générer des profits; ce n’est pas une si mauvaise chose que de s’imposer cette discipline. La croissance à tout prix, c’est tellement 2020!
Bien sûr, c’est plus facile de revoir le format des produits pour les fabricants que pour les détaillants. Rien ne vous empêche, par contre, de favoriser les produits qui permettent une expédition plus économique lors de votre planification d’achats, et d’en parler à vos fournisseurs.
On cultive les clients qu’on a déjà : reconsidérez vos placements publicitaires en ligne vs vos efforts de récurrence : le coût des publicités en ligne continue de grimper. Plusieurs annonceurs commencent à revoir leurs stratégies et, OH SURPRISE, on entend de plus en plus parler de l’importance de la fidélisation des clients déjà conquis. Je vous le dit, la récurrence deviendra un thème de plus en plus… récurrent. (Wow, j’ai vraiment tout donné sur celle-là!)
On comprend et on sert mieux ses clients : si vous vendez en magasin mais n’offrez pas d’inventaire ou de compte-client communs permettant une expérience omnicanale, il est plus que temps d’agir! Et, si vous ne vendez pas en magasin, n’oubliez pas que si les ventes en ligne continuent de croître, les ventes en magasin correspondent quand même à 75-80% des ventes au détail totales.
On profite du contexte avantageux pour (re)négocier avec les propriétaires de locaux commerciaux : les changements d’habitude des consommateurs ont mis de la pression sur les locateurs, dont les taux d'inoccupation sont encore très élevés. Il est de plus en plus fréquent de pouvoir signer des baux commerciaux plus courts et plus avantageux qu’avant si vous souhaitez offrir une expérience d’achat en personne en plus d’en ligne, sans y laisser votre chemise. (Si la pénurie de main-d’oeuvre ne vous fait pas peur, évidemment!)
On fait le ménage de ses apps : si vous utilisez une plateforme de vente en ligne comme Shopify ou autre, examinez vos applications installées (plug-ins chez WordPress). Plusieurs de mes clients paient inutilement pour des apps installées en panique pendant la pandémie, ou alourdissent leur site Web inutilement. Comme on le fait lors d’une matinée de pluie tranquille dans une boutique, passez le balai pour que ce soit beau quand les clients se pointeront!
On réajuste ses automatisations marketing selon le contexte : le ton de vos courriels automatisés est-il réajusté au “retour à la normale”? Peut-être que le rythme des achats en ligne s’est allongé en considérant que vos clients achètent aussi en magasin, et que les délais de rappels de vos automatisations doivent être ajustés en conséquence?
Lu (avec intérêt) depuis le dernier numéro
Les magasins physiques sont là pour de bon, La Presse. On l’on apprend que La Cordée vend déjà 20-25% de sa marchandise en ligne mais que, pour que les magasins survivent, il faut offrir une bonne expérience et du service. Ce qui, avec la pénurie de main-d’oeuvre, n’est pas gagné d’avance!
3 Things Retailers Can Do to Thrive in a Tough Economic Environment, par Nicolas Darveau-Garneau, ex-Google et présentement Covéo, toujours brillant.
Rising returns hurt everyone. Malgré qu’il s’agisse d’un article commandité i.e. infopub, les statistiques sur les retours devraient faire réfléchir tout responsable de la rentabilité d’une entreprise qui vend en ligne.
Reaching people on the Internet in 2021, par Matthew Inman (The Oatmeal). Une courte BD qui explique très clairement pourquoi les médias propriétaires (comme votre liste d’envoi d’infolettre) reviennent enfin à la mode.