Récurrence #8 : des ventes en ligne rentables malgré les coûts de transport?
“Amateurs study tactics; professionals study logistics.”— Omar N. Bradley
Temps de lecture approx : 10 minutes
J’espère que vous avez passé de belles et bonnes vacances estivales! Après cette pause remplie de sorties en kayak de mer, de travaux forestiers (aka “loisirs ruraux”) et de BBQ entre amis, me revoici pour la rentrée avec un thème qui occupe de plus en plus de place dans les discussions de eCommerce : comment rester rentable en ligne avec des coûts d’expédition qui augmentent sans cesse?
L’augmentation brutale des coûts du pétrole et des salaires, la rareté de la main-d'œuvre et l’avarice de certains transporteurs pour qui la pandémie a le dos très large ont fait exploser les coûts d’expédition des produits achetés en ligne au cours des dernières années. D’un mal nécessaire, les coûts de transport sont devenus une menace pour la survie de plusieurs entreprises qui dépendent des ventes en ligne.
Comme l’a déjà dit le général Omar Bradley, “les amateurs étudient la tactique, les professionnels étudient la logistique”. Cette leçon est en grande partie applicable au commerce en ligne, même s’il y a quelques (légères) différences entre nourrir, habiller et équiper une armée en mouvement sur un théâtre d’opérations à l’autre bout du monde pendant des mois et expédier, disons, des espadrilles à Gilles de Sainte-Claire dans un délai qui saura le satisfaire tout en dégageant un profit honnête.
Voyons voir.
–
Après des années à expérimenter directement avec les différentes facettes du eCommerce et accompagner des entreprises qui font de même, j’ai été interpellé par un commentaire sur LinkedIn de Jacques Warren, un spécialiste de renom en analytique Web et marketing, qui affirmait dernièrement (non sans bon sens) :
Jacques est un homme brillant que j’ai eu le plaisir de croiser à quelques reprises au cours de ma carrière. J’adore son esprit critique, son sens de la formule, son humour décapant et sa capacité à voir derrière les buzzwords, les modes du jour et les apparences pour trouver dans les données ce qui fait réellement une différence pour les entreprises.
J’ai eu envie de partager avec lui quelques nuances concernant l’importance de la logistique pour le eCommerce :
Je ne répéterai pas ce que je viens de partager, mais je réitère que :
Vous devez maîtriser toutes les facettes du commerce en ligne pour y réussir. Selon votre industrie, votre marché, votre clientèle et vos produits, certaines facettes seront plus importantes que d’autres;
Même si vous maîtrisez l’acquisition et la rétention de clients et que votre Tech Stack donne des ailes à votre équipe, vous pouvez échouer lamentablement si vous ne contrôlez pas vos coûts et délais de logistique. Si on ne peut pas gagner seulement avec la logistique, on peut perdre uniquement à cause de celle-ci.
Au hockey, le gardien de but est TRÈS important. En plus, ils ont souvent de beaux casques avec des flammes, des aigles ou des éclairs. J’adore ça.
Pistes pour des ventes en ligne rentables malgré les coûts de transport en hausse
La plupart des entreprises subissent les impacts croissants des coûts d’expédition sur la rentabilité de leurs ventes en ligne. Quand le transporteur fait plus de profits que vous après une vente, il y a un problème. Que faire pour améliorer les choses?
Mesurez pour améliorer
Il faut d’abord mesurer vos performances pour optimiser ce qui peut l'être ensuite. Par exemple, on peut commencer par les indicateurs suivants :
Quel est le coût moyen de la manutention d’une commande par votre équipe (ou votre 3PL)? (L’étape aussi appelée “Picking”)
Quel est le coût moyen de l’emballage d’une commande? (“Packing”)
Quel est le coût moyen d’une expédition? (“Shipping”)
Quel est le pourcentage do total des coûts ci-haut vs les ventes NETTES en ligne, dont on aura déduit les rabais accordés et les retours, erreurs, remboursements et bris*?
Quel est le délai moyen d’expédition, entre la commande en ligne et le ramassage par le transporteur?
Ensuite, il faut déterminer les cibles à atteindre… et y travailler constamment. Je préfère utiliser avec des “résultats clés” et une méthodologie de type OKR qui laisse le soin à l’équipe de déterminer les moyens d’y arriver plutôt que d’imposer des idées, mais bon, à vous de voir.
Contrôlez les coûts des retours, erreurs, remboursements et bris
Vous avez peut-être remarqué plus haut la mention en gras et avec un astérisque concernant les “retours, erreurs, remboursements et bris”? C’est un indice subtil : c’est important pour votre examen de fin d’année.
Dans certaines industries (livres, aliments…), les taux de retour moyens sont d’environ 3-5%. Pour les vêtements, on parle plutôt de 20-40%. (C’est terrible de “vendre de la guenille” en ligne, mais tous vos compétiteurs sont dans le même bateau.)
Il faut non seulement contrôler ces coûts, mais aussi les budgéter avant de définir vos frais d’expédition, les seuils pour obtenir l’expédition gratuite et plus simplement, pour déterminer si votre entreprise a une chance de succès ou non. Si vous ne contrôlez pas votre taux de retour ou ne rentabilisez ceux-ci, vous laissez probablement beaucoup d’argent dans les poches de votre transporteur au lieu de l’empocher vous-même!
C’est la même chose pour les bris lors du transport et les erreurs d’expédition; si en général ces postes représentent “seulement” 1-3% du montant des ventes, il est souvent possible de les réduire de moitié en s’y attardant un peu. Qui ne voudrait pas de 1,5% de marge supplémentaire en échange de quelques efforts raisonnables?
En additionnant les retours aux erreurs et aux bris, on arrive à un pourcentage des ventes qui peut faire une grande différence entre une belle rentabilité et un gouffre financier prévisible et évitable.
Utilisez les bons emballages
Je remarque parfois chez mes clients qu’ils négligent d’utiliser des boîtes et contenants de la plus petite taille possible tout en préservant l’intégrité des produits. Pourquoi? Pour éviter de tenir un inventaire de boîtes trop important en raison de la multiplication des formats.
Comme moi, vous recevez probablement une quantité phénoménale d’air dans certains colis; l’air ne pèse rien, mais son volume influence aussi les coûts d’expédition. Même s’il coûte cher de conserver un inventaire de boîtes de différentes tailles, il coûte encore plus cher d’expédier de l’air. Trouvez le juste équilibre!
Concevez (ou choisissez) vos produits pour optimiser leurs coûts d’expédition
Si vous concevez les produits que vous vendez, intégrez les frais d’expédition aux contraintes à observer lors de l’étape du design.
Certains formats de boîtes permettent de réduire radicalement les frais d’expédition. Parfois, je suis découragé de recevoir des produits qui mesurent quelques millimètres de trop pour profiter de ces économies, sans raison valable.
Renseignez-vous sur les différents formats acceptés par les expéditeurs, des seuils au-delà desquels la facture augmente, et lorsque possible, concevez ou choisissez vos produits vendus en ligne en conséquence. Parfois, un changement mineur peut faire épargner plusieurs dollars par expédition!
Révisez le montant de votre commande minimale pour obtenir l’expédition gratuite en tenant compte de TOUS les coûts
Trop souvent, le montant minimal d’achat requis pour obtenir l’expédition gratuite est défini par ce que font les compétiteurs, sans réfléchir aux conséquences financières.
Si vos compétiteurs ont les poches profondes et utilisent l’expédition gratuite pour gagner des parts de marché tout en perdant de l’argent, il faudra jouer serré. Mais souvent, vos compétiteurs perdent de l’argent à chaque petite commande sans trop s’en rendre compte (comme vous?), et risquent de disparaître assez rapidement (pas comme vous, j’espère!)
Considérez TOUS les coûts directs discutés plus haut (manutention, expédition, bris et retours) et pas seulement la marge brute avant de décider du montant minimal d’achat pour obtenir une livraison gratuite. Évidemment, considérez aussi ce que font les compétiteurs et ce que les clients que vous visez (ceux qui sont rentables pour vous) sont prêts à payer avant d’établir vos politiques, mais n’oubliez pas que le but, c’est d’être rentable.
D’investir dans une première vente à perte pour acquérir un nouveau client, c’est acceptable. Mais les clients qui vous coûtent de l’argent à chaque commande, il est peut-être préférable de les laisser à vos compétiteurs…
Soyez impitoyable envers votre transporteur
Votre transporteur vous promet des délais de livraison qui justifient des prix plus élevés? Ça peut être un bon investissement pour faire plaisir à vos clients… à la condition que le transporteur tienne sa promesse.
Des services comme Buster Fetcher permettent de récupérer les frais facturés en trop et, JOIE, ne vous facturent qu’un pourcentage des frais récupérés. C’est de l’argent qui dort, aussi bien en récupérer une partie! (Non, je ne suis pas affilié de Buster Fetcher, c’est simplement un bon service qu’il vaut la peine de considérer.)
Visez des clients récurrents, mais des commandes moins fréquentes
Quoi? Des commandes moins fréquentes, ça peut être une bonne chose?
La récurrence est une magnifique manière de contrôler vos frais de marketing. J’aime la récurrence. La récurrence est votre amie. C’est même le titre de ce newsletter. C’est tout dire.
Mais comme mentionné plus haut, la vente à perte récurrente n’est PAS votre amie. L’époque de la “croissance-des-parts-de-marché-à-tout-prix-et-après-on-verra-bien” est terminée, et c’est une excellente chose.
Si le prix de vos produits est bas, il est préférable de travailler la fidélité de vos clients tout en réduisant le nombre de commandes pour faire augmenter leur prix moyen. Les revenus annuels par client récurrent sont plus importants pour la rentabilité que le nombre de commandes par client!
Évidemment, c’est un équilibre délicat; un client qui commande moins souvent risque de vous oublier si vous n’entretenez pas la relation par d’autres moyens. Loin des yeux, loin du cœur (et du portefeuille, mais bon, c’est moins romantique.)
Le client parfait, c’est celui qui commande toujours chez vous, mais en exigeant le moins d’expéditions possible pour répondre à ses besoins. Récurrence n’est pas toujours synonyme de haute fréquence : par exemple, je n’ai pas besoin d’un nouvel ordinateur tous les mois, mais j’ai toujours acheté ceux-ci chez Apple, et ce, depuis plus de 25 ans. À vous de trouver le rythme optimal pour obtenir le meilleur taux de récurrence ET une rentabilité intéressante.
Attention aux apps d’abonnement
Portez une attention particulière aux règles d’affaires des applications d’abonnement à l’expédition de vos produits, si vous en utilisez une. Celles-ci sont conçues pour maximiser le nombre de commandes, pas leur rentabilité. Ça, c’est à vous d’y voir!
J’ai parfois constaté dans les stats des ventes générées par ces apps des commandes d’un montant si bas qu’il était impossible à rentabiliser. Ces clients généraient donc des pertes récurrentes, mois après mois, et passaient “sous le radar” puisqu’on considérait que l’abonnement ne pouvait qu’être positif puisque synonyme de fidélité. Pas toujours, du moins s’il n’est pas utilisé comme levier pour générer davantage de valeur d’une autre manière!
Après l’implantation, il vaut donc la peine de vous assurer que les commandes provenant des abonnements sont bien rentables, ou qu’elles jouent bien le rôle de “Loss Leader” que vous aviez planifié.
Bref…
Examinez attentivement vos coûts de manutention, emballage et expédition et travaillez à les améliorer continuellement, de la même manière que vos ventes. Un seul dollar épargné en logistique sur une vente nette de 50$, c’est 2% de marge de plus dans vos poches. Parfois, les efforts à faire pour regagner ces marges perdues sont moindres que ceux à consentir pour gagner de nouveaux clients et, en prime, ces économies sont récurrentes!
Lu (avec intérêt) depuis le dernier numéro
Instagram Scaling Back Shopping Features Amid Commerce Retreat, sur The Information (paywall). Il semble que Facebook et Instagram se rendent compte (après tout le monde qui examinait ses stats un peu) qu’ils sont des médias et non des commerçants. Ce fut long.
The algorithm giveth and taketh away, sur The Marketoonist. Si vous avez encore besoin d’être convaincu qu’il est préférable de bâtir votre propre audience plus lentement que d’emprunter celle des autres pour faire grandir votre empire… bâti sur du sable.
PELOTON LAUNCHES PRODUCTS, APPAREL AND ACCESSORIES IN AMAZON'S U.S. STORES, sur le site de Peloton. Avec un titre EN MAJUSCULES, Peloton nous apprend que pour plusieurs marques DTC sortent maintenant de leurs propres sites Web pour aller tâter le terrain chez Amazon, au lieu de partenariat avec des détaillants traditionnels comme on le voit souvent.
Chewy nudges sales up 12.8% and learns a new trick: profitability, Retail Dive. Et oui, certaines marques DTC s’en sortent plutôt bien. Celle-ci a choisi de travailler sa récurrence plutôt que seulement son acquisition. Qui l’eût cru?
Older Entrepreneurs Outperform Younger Founders—Shattering Ageism, sur Forbes. “Jeunes et dynamiques”, les nouveaux entrepreneurs? À condition d’aimer les risques. En fait, une entrepreneure de 50 ans a deux fois plus de chances d’avoir du succès qu’un autre de 30 ans. L’âge moyen des fondateurs de “licornes”? 45 ans. Rangez vos cartes de l’âge d’or et démarrez une entreprise, c’est plus rigolo!
Les marques privées à l’avant-plan, sur La Presse. Ce qui confirme ce que j’ai constaté et entendu d’ami(e)s et clients entrepreneur(e)s du domaine alimentaire. Si vos relations avec vos clients sont faibles et que vos produits ont du succès en épicerie, vous êtes à risque que vos produits soient remplacés par ceux des marques maisons. Cela souligne l’importance fidéliser vos clients directementpour ne pas devenir une commodité facilement remplaçable!